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![]() Ferro4.9 FERROÉLECTRICITÉ, PIÉZOÉLECTRICITÉ ET AUTRES PROPRIÉTÉS 4.9.1 Ferroélectricité, introduction et définitions On appelle matériau ferroélectrique, un matériau diélectrique dans lequel les moments dipolaires sont couplés. Ce phénomène de couplage constitue la ferroélectricité. Le préfixe ferro a été choisi en raison des très nombreuses analogies entre ces matériaux et les matériaux ferromagnétiques. Les matériaux ferroélectriques sont caractérisés par une permittivité relative extrêmement élevée, de l'ordre de 103 et même 104. Toutes leurs propriétés électriques sont très sensibles à la température. La ferroélectricité disparaît au-delà
d'une température appelée température de Curie ferroélectrique. 4.9.2 Domaines ferroélectriques et cycle d'hystérésis Le couplage ferroélectrique provoque, localement, un alignement des moments dipolaires les uns par rapoort aux autres. On appelle domaine ferroélectrique, chaque région d'un seul tenant dans laquelle tous les moments dipolaires sont alignés parallèlement les uns aux autres. Dans un échantillon homogène, à température uniforme, chaque domaine présente une polarisation spontanée Ps (Om~2) de même valeur absolue. L'orientation de Ps par contre varie d'un domaine à l'autre, de sorte que le moment dipolaire total de l'échantillon peut être nul. Bien que les mécanismes en jeu soient de nature différente, on peut formellement comparer l'établissement des structures de domaines ferroélectriques et de domaines ferromagnétiques (sect. 3.7). Aux énergies magnétostatiques et magnétostrictives correspondent les énergies électrostatiques et electrostrictives ( 4.9.6). Les moments dipolaires présentent également des énergies d'échange et d'anisotropie. L'application d'un champ électrique augmente l'énergie des domaines, d'autant plus que la direction de leur polarisation spontanée s'écarte davantage de celle de ce champ. Au fur et à mesure que le champ croît, la fraction en volume des domaines alignés parallèlement à E augmente donc, jusqu'à ce que l'échantillon complet ne devienne lui-même qu'un seul domaine, pour E > Es (fig. 4.39). Fig. 4.39 Cycle d'hystérésis ferroélectrique. La variation de la structure des domaines étant un phénomène irréversible, la fonction P (E) est fortement non linéaire dans la région 0 < E < Es. Dans le cas d'un champ alternatif, P(E) prend dans cette région la forme d'un cycle d'hystérésis ferroélectrique. Différentes grandeurs caractéristiques sont définies sur ce cycle, comme sur le diagramme B-H des matériaux ferromagnétiques. Ce sont en particulier :
![]() 4.9.3 Polarisation spontanée en fonction de la température L'existence potentielle de la ferroélectricité est contenue dans les expressions menant à l'équation de Clausius-Mosotti (4.56). En tirant P de (4.55), il vient : Dans un diélectrique ordinaire (isotrope) P et E sont parallèles, le dénominateur de (4.185) est donc positif. Si ce dénominateur décroît jusqu'à s'annuler,
une polarisation spontanée devient possible. Mais si P <> 0 alors que E = 0, l'expression du champ local (4.35) se réduit à :
et (4.185) cesse d'être valable, (4.55) se réduisant précisément à (4.186), qui ne contient pas P. La condition d'existence d'une polarisation spontanée doit donc être écrite :
Dans un diélectrique donné, les a; sont pratiquement des constantes, sauf le facteur de polarisation par orientation aor qui varie en fonction de la température. Séparons dans (4.188) ce facteur. Par (4.51), il vient : Dans cette expression S' regroupe tous les processus de polarisation présents, à l'exception de la polarisation par orientation. La température maximum 0 satisfaisant encore (4.189) est la température de Curie ferroélectrique
L'interprétation de ce résultat est en principe très simple. Le couplage produisant l'alignement des moments dipolaires ne peut se manifester que pour T < 0. Au delà de 0, il est complètement masqué par l'agitation thermique. Ici encore, l'analogie avec le ferromagnétisme est remarquable. Dans le cas où la polarisation par orientation joue un rôle nettement prépondérant, la susceptibilité diélectrique xr au-dessus de 0 se calcule facilement. L'équation (4.190) se réduit à En portant cette expression dans (4.185) il vient, compte tenu de (4.23)
C'est la loi de Curie-Weiss (3.53), déjà rencontrée pour les matériaux ferromagnétiques. 4.9.4 Origine de la ferroélectricité La ferroélectricité ne se rencontre que dans quelques structures cristallines particulières. D'une structure à l'autre, le mécanisme responsable du phénomène varie. Le cas du titanate de baryum BaTiO3 sera choisi à titre d'exemple, en raison de l'importance pratique de ce matériau. Au-dessus de la température de Curie (120°C), BaTiO3 possède la structure perovskite (fig. 4.40).
Fig. 4.40 Structure perovskite.
Les huit ions de baryum sont placés aux sommets d'un cube, dont les centres des faces contiennent les ions oxygène. L'ion titane occupant le centre du cube, le moment dipolaire de la structure est égal à zéro. Au-dessous de la température de Curie, cette structure se déforme légèrement, passant de cubique à tetragonale (fig. 4.41). Les déplacements d' et d" sont de l'ordre de 10-11 m, le côté du cube valant environ 4 10-10 m. Ils confèrent à la structure déformée un moment dipolaire qui, par raison de symétrie, peut posséder six orientations différentes. L'interaction entre dipôles voisins provoque l'alignement responsable de l'apparition des domaines ferroélectriques.
Fig. 4.41 Structure perovskite: (a) originale (T > Θ) (b) déformée (T < Θ). Projection sur un plan 1,0,0 Il est équivalent de prétendre que la structure cristalline de BaTiO3 est simplement plus déformable qu'une autre. Une déformation locale fortuite produisant un moment dipolaire, elle crée aussi un champ local initial provoquant l'apparition d'autres moments dipolaires dans le voisinage. A leur tour, ceux-ci renforcent le champ initial, ce qui tend à augmenter encore les moments dipolaires locaux et à en créer d'autres plus loin. Cette évolution n'est finalement stoppée que par l'accroissement des forces de valence lorsque le déplacement relatif des ions augmente. Dans cette optique, la température de Curie marque l'instant où l'effet du champ local créé par la polarisation cesse d'être masqué par l'agitation thermique. Deux autres transformations cristallines se produisent encore dans BaTiO3. Vers 0°C la structure passe de tetragonale à monoclinique, la polarisation s'orientant selon la diagonale d'une face. Vers -80°C elle devient rhomboédrique et la polarisation s'aligne sur la grande diagonale du rhomboèdre.
Fig. 4.42 Projection de la polarisation d'un monocristal de BaTiO3 sur une arête du cube, en fonction de la température, d'après [61]. En tenant compte de l'angle entre l'arête du cube et la polarisation, on constate que le module de la polarisation spontanée est presque le même dans les trois structures (fig.
4.42). L'explication de la ferroélectricité par déplacements d'ions est valable
non seulement pour BaTiO3 mais encore pour d'autres matériaux, de structure perovskite ou d'une structure différente. Dans les cristaux uniaxes, tels que le sel de Rochelle (KNaC4H4O6), le sulfate de triglycine (TGS) répondant à la formule (CH2NH2COOH)3 -H2SO4
les phosphates dihydrogénés, de potassium et d'autres éléments (KDP) (KH2PO4), la ferroélectricité est due à une propriété de la liaison hydrogène. 4.9.5 Piézoélectricité Certains diélectriques cristallins jouissent des propriétés réciproques suivantes :
Ces propriétés constituent la piézoélectricité et les matériaux dans lesquels elles se manifestent sont dits piézoélectriques. Le quartz SiO2, le titanate de baryum BaTiO3, le phosphate d'aluminium AlPO4 sont des matériaux piézoélectriques utilisés très couramment.
Dans tout le domaine des contraintes utiles, la piézoélectricité est caractérisée par une relation linéaire entre la cause et l'effet, justifiant l'emploi de la théorie de l'élasticité pour décrire l'aspect mécanique du problème. Comme la ferroélectricité, la piézoélectricité est une propriété étroitement liée à la structure cristalline. L'étude des symétries de celle-ci permet en particulier de trouver les matériaux susceptibles d'être piézoélectriques. Considérons par exemple, les deux structures bidimensionnelles représentées aux figures 4.43 et 4.44. Fig. 4.43 Structure 1 : @, ion de référence. Fig. 4.44 Structure 2 : ©, ion de référence. Il suffit, pour étudier leur polarisation, d'examiner les moments dipolaires associés aux cellules unitaires, tracées en pointillé sur les figures. On remarque que P = 0 dans les deux structures non déformées. Il en est de même dans la structure 1, déformée selon une direction quelconque du plan xy.Cela tient à ce que l'ion de référence reste le centre de symétrie de la cellule déformée. En déformant la structure 2 par contre, l'ion de référence cesse d'être un centre de symétrie et la cellule porte un moment dipolaire résultant, d'où P différent 0. Une traction selon x (cas de la figure) fait apparaître une polarisation dirigée selon -y, et, réciproquement une compression selon x, une polarisation selon +y. La théorie de l'élasticité [62] montre que, dans le cas le plus général, l'état de contrainte en un point A d'un solide est déterminé par 6 paramètres indépendants σx,σy,σz, τyz, τzx, τxy, constituant le tenseur des contraintes. σx représente la contrainte normale [N/m2] sur un plan perpendiculaire à l'axe x, passant par A (fig. 4.45). τxy représente la contrainte tangentielle [N/m2] sur le plan perpendiculaire à x et dirigée selon y. On démontre aisément que cette contrainte est égale à celle qui s'exerce sur un plan perpendiculaire à y, et dirigée selon x, faute de quoi l'élément de volume d F entourant A ne serait pas en équilibre. On a donc τxy = τyx et, au total, six contraintes indépendantes seulement au lieu des neuf auxquelles on aurait pu s'attendre. Les autres contraintes ont les significations correspondantes pour les axes y et z.
Fig. 4.45 Etat de contrainte général dans un solide. Les points Ax, Ay et Az sont en fait confondus avec le point A. Ils n'en sont représentés distincts que pour la clarté du dessin. Dans les cristaux, le référentiel xyz est orienté selon les axes cristallins. Sous forme générale, les composantes Px, Py,, Pz de la polarisation P s'expriment donc par les relations linéaires suivantes
On appelle
où
Le titanate de baryum possède trois coefficients La piézoélectricité est une propriété exploitée dans de nombreux dispositifs utilisant la
conversion d'une énergie électrique en énergie mécanique ou vice-versa. Citons par exemple les jauges de contraintes, certains microphones et cellules de tourne-disque, les émetteurs d'ultrasons, les lignes à retard, les dispositifs à ondes superficielles, etc.. Comme
tous les corps élastiques, les cristaux piézoélectriques présentent des fréquences de résonance mécanique. En raison de la polarisation qui leur est associée, les vibrations peuvent être captées et entretenues très facilement au moyen d'un circuit amplificateur. Des étalons de fréquence très précis sont ainsi réalisés. 4.9.6 Electrostriction et pyroélectricité Comme la piézoélectricité, Y électrostriction est une variation des dimensions d'un diélectrique sous l'action d'un champ E. Cette variation est encore liée aux déplacements de charges accompagnant la polarisation. L'électrostriction se distingue de la piézoélectricité en ce que la déformation est proportionnelle non au champ E appliqué, mais au carré de celui-ci. C'est une propriété générale des diélectriques, se rencontrant aussi bien dans les milieux cristallins que dans les milieux amorphes, solides ou liquides. Elle ne possède pas d'effet réciproque, c'est-à-dire qu'une contrainte mécanique ne provoque pas de polarisation par électrostriction inverse. L'électrostriction est un effet pratiquement toujours négligeable. Signalons pour terminer l'existence de la pyroélectricité, propriété de certains cristaux de modifier leur polarisation lors d'un changement de température AT. C'est un phénomène linéaire, décrit par des équations du type : ΔΠi = πi ΔT i = x,y,z (4.197) où les πi sont les coefficients pyroélectriques. La variation de température étant le plus souvent relativement lente, la polarisation par pyroélectricité est presque toujours masquée par un apport de charges à la surface du cristal, dû à un isolement imparfait.
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