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Supraconductivite2.8 SUPRACONDUCTIVITÉ 2.8.1 Définitions La supraconductivité est la propriété appartenant à certains matériaux de présenter une résistance électrique nulle en courant continu lorsque
De tels matériaux sont appelés supraconducteurs. 2.8.2 Introduction La supraconductivité a été découverte en 1911 par K. Onnes, lors de ses travaux sur la liquéfaction de l'hélium. Utilisant la variation de résistivité pour mesurer les basses températures auxquelles il devait travailler, il constata que vers 4,2 K, la résistivité du mercure s'annulait brusquement, ou tout au moins devenait tellement faible qu'il était impossible de la distinguer de zéro. Il apparut assez rapidement que d'autres éléments et alliages possédaient la même propriété, mais que To restait au voisinage du zéro absolu. Pendant de longues années la temperature critique a plafonné au alentours de 40 K. Un saut important a été effectué en 1986 avec la découverte des supraconduceurs à haute température critique. La température critique du YBa2Cu3O7 était de 92 K, ce qui la situait environ 15 K en-dessus de la température d'ébullition de l'azote liquide. Ce dernier possède un pouvoir réfrigérant de 40'000 cal/mole (chaleur latente), 5 fois plus élevé que celui de l'helium et un prix 25 fois plus bas. Dès 1990 la température critique plafonne à 120 K avec le Tl2Ca2Ba2Cu3O10
a, b, c sont les axes cristallographiques, λ la longueur de pénétration de London et ξ la longueur de cohérence des paires de Cooper. De nombreuses théories phénoménologiques furent développées pour rendre compte de ce fait nouveau, mais il fallut attendre quarante-six ans pour que la première théorie microscopique de la supraconductivité, due à Bardeen, Cooper et Schrieffer voie le jour. Connue aujourd'hui sous le nom de théorie BCS, elle valut à ses auteurs le prix Nobel en 1972. D'un point de vue pratique la théorie BCS, qui continue à faire l'objet de développements importants, n'a pas rendu inutiles toutes les théories phénoménologiques qui l'ont précédée. Elle a permis de démontrer ou de mieux situer ce qui n'était jusque-là que des postulats. Bien que la théorie BCS constitue indiscutablement le modèle le plus fouillé, elle reste encore trop générale pour permettre par exemple de prévoir, parmi des éléments ou des alliages, lesquels sont supraconducteurs et lesquels ne le sont pas. La technique expérimentale garde une place importante voire prépondérante dans les recherches touchant la supraconductivité. On décrira dans cette section les comportements thermodynamiques et électrodynamiques les plus remarquables des supraconducteurs, par l'expérience et l'explication macroscopique, avant d'aborder, qualitativement, l'interprétation microscopique découlant de la théorie BCS. 2.8.3 Résistivité et température critique La transition de l'état normal à l'état supraconducteur (fig. 2.49) est brutale dans les métaux purs où ΔT peut descendre à 10-3 K. Dans les alliages, ΔT peut atteindre quelques K. Fig. 2.49 ρ = résistivité en courant continu. Sous bien des aspects, cette transition est comparable à une transition de phase ordinaire. Les expressions phase normale, phase supraconductrice sont d'ailleurs utilisées couramment pour dire état normal, état supraconducteur. La résistivité au-dessous de To est-elle strictement nulle ? Il n'est pas possible de l'affirmer, car cela supposerait que l'erreur expérimentale puisse être nulle elle aussi. On a démontré aujourd'hui que ρ = < 10-21 Ωm, ce qui est extrêmement faible, comparé par exemple à la résistivité du cuivre à des températures du même ordre: ρ ≅ 10-10 Ωm. Dans ces conditions, un courant continu peut circuler dans un anneau supraconducteur pendant plusieurs années, sans atténuation décelable ! 2.8.4 Température critique et champ critique La température critique Tc et le champ critique Hc sont liés par une relation empirique du type (2.186) représentée à la figure 2.50. Dans cette relation, Hco désigne le champ critique à température nulle et Tc0 la température critique sous champ nul. La surface S (fig. 2.50) comprise entre la fonction et les axes correspond à l'état supraconducteur. Dès que l'on quitte S, par augmentation de H, de T ou des deux à la fois, on provoque le retour immédiat du matériau dans l'état normal. Les températures critiques et champs critiques sont donnés pour quelques éléments et alliages au tableau 2.51. L'induction critique Bco est obtenue à partir de Hco par la relation Bco = o Hco où o est la perméabilité du vide. Fig. 2.50
voir paragraphe 2.8.6. 2.8.5 Effet Meissner Soit un échantillon cylindrique (fig. 2.52), initialement dans l'état normal correspondant au point A de la figure 2.50. En abaissant sa température jusqu'au point E on le rend supraconducteur. Lorsqu'on lui applique un champ H (point C), on développe à sa surface des courants de Foucault ayant pour effet (loi de Lenz) d'empêcher toute variation de flux magnétique à l'intérieur de l'échantillon. Dans un conducteur normal, ces courants s'atténuent très rapidement, et le champ magnétique pénètre dans l'échantillon. Ici, les courants de Foucault ne rencontrent pas de résistance, de sorte que l'induction magnétique reste nulle en permanence dans l'échantillon. Fig. 2.52 Illustration de l'effet Meissner (les lettres correspondent aux points de la figure 2.50). Que se passe-t-il si l'on gagne le point C par l'itinéraire A - D - C ? Au point D, une induction B est présente dans l'échantillon. On s'attend à ce que cette induction soit conservée lors de la transition et jusqu'en C. En réalité ce ne sera pas le cas. Au moment de la transition vont se développer, spontanément, des courants de Foucault compensant exactement l'effet de H dans l'échantillon, et ramenant de ce fait l'induction magnétique à zéro. On dit souvent que les courants de Foucault ont exclu le champ magnétique extérieur. On appelle effet Meissner, cette propriété des supraconducteurs d'exclure un champ magnétique extérieur. L'existence de l'effet Meissner fait de la transition entre les états normal et supraconducteur un phénomène réversible au sens de la thermodynamique : l'état au point C ne dépend pas du chemin emprunté pour atteindre ce point. Cette affirmation devra être amendée dans le cas de supraconducteurs de deuxième espèce ( 2.8.16). I1 est commode de représenter l'effet Meissner en considérant le supraconducteur comme idéalement diamagnétique. L'énergie nécessaire pour expulser H, en particulier, se calcule beaucoup plus facilement. Il est évident que l'origine de ce diamagnétisme-là n'a rien à voir avec le mécanisme présenté au paragraphe 3.3.1. 2.8.6 Supraconducteurs de première et deuxième espèce. Définitions On appelle supraconducteurs de première espèce, ou supraconducteurs de type 1, les supraconducteurs dans lesquels l'effet Meissner cesse brutalement lorsque H atteint Hc. On appelle supraconducteurs de deuxième espèce ou supraconducteurs de type 2 les supraconducteurs dans lesquels il y a disparition progressive de l'effet Meissner à partir d'une valeur du champ magnétique appelée champ critique inférieur Hc1, la disparition totale de l'effet Meissner accompagnée de la transition à l'état normal intervenant au champ critique supérieur Hc2. Pour Hc1 < H < Hc2 le supraconducteur de type 2 présente une alternance de zones où B = 0, respectivement B ≠ 0 (fig. 2.68). Considéré globalement, il est encore diamagnétique, quoique plus de façon idéale. On dit que le supraconducteur est dans l'état intermédiaire ( 2.8.18). Les champs Hc1 et Hc2 sont souvent très différents l'un de l'autre, pour l'alliage Nb3 Sn, par exemple, m0 Hc1 = 0,01 T et 0 Hc2 = 22 T. Lorsqu'on parle simplement de champ critique d'un supraconducteur de type 2, c'est de Hc2 qu'il s'agit. La forme de l'équation (2.186) est valable pour Hc1 et Hc2. 2.8.7 Etude thermodynamique de la transition La thermodynamique donne un modèle utile de la transition de l'état normal à l'état supraconducteur. On montrera tout d'abord que l'enthalpie libre est constante pendant la transition. Ce résultat sera ensuite utilisé pour calculer la chaleur latente de transition, et finalement la discontinuité de chaleur spécifique accompagnant la transition lorsque HH = 0. L'ensemble de ces développements s'applique aux supraconducteurs de type 1, et de type 2 à condition que H<Hc1
G = U + W - TS (2.187)
L'enthalpie libre G, appelée également énergie libre de Gibbs, est définie par la relation suivante, dans laquelle U désigne l'énergie interne du système, T sa température absolue, S son entropie et W le travail qu'il exécute. Dans le cas présent le système est, bien entendu, un échantillon de matériau supraconducteur. La variation d'énergie interne est donnée par l'expression
dU = dq - dW (2.188)
dans laquelle dq est la quantité de chaleur fournie au système. La transition étant réversible, on a
dq = T dS (2.189) Le travail du système peut être de deux natures : mécanique et magnétique. Si l'échantillon est soumis à une pression P constante, le travail mécanique vaut P d V où d V est la variation de volume. L'expérience montre que d V est négligeable pendant la transition. Le travail magnétique est égal, au signe près, à l'énergie magnétique de l'échantillon. L'énergie magnétique volumique Wmag vaut ( 3.2.6). Wmag = H dB = μoH dH + H.dI (2.190) Dans le membre de droite, le premier terme représente la part de Wmag dans le vide, le deuxième la part de Wmag dans la matière. Ce dernier terme seulement nous intéresse ici. En supposant H et I constantes dans tout le volume V de l'échantillon, dW = - dWmag V = - VHdI (2.191) car H et I sont admis parallèles. Les relations (2.187) et (2.188) prennent donc la forme: G = U - V H I - T S (2.192) et dU = T dS + V H dI (2.193) En calculant la différentielle totale de G on obtient, compte tenu de (2.193) : dG = - V I dH - S dT (2.194) Cette équation démontre que G reste constant pendant la transition, car on sait que cette dernière s'effectue à température et champ magnétique constants. La variation de G le long des d'une isotherme se déduit simplement de (2.194). Soient n et s les indices désignant les grandeurs se rapportant aux états normal et supraconducteur. Dans la phase supraconductrice, l'induction magnétique est nulle, par conséquent ( 3.2.6). Is = -o H (2.195) d'où dGs = o V H dH (2.196) Gs = d Gs = Gs(H = 0) + μo H2 V (2.197) Dans la phase normale, l'enthalpie libre est une constante car In = 0 (2.198) d'où Gn= Gs (H = 0) + μo H2c V (2.199) La phase présente correspond toujours à la plus petite valeur de G. On vérifie sur (2.197) et (2.199) que H < Hc entraîne Gs < Gn, le matériau est par conséquent dans l'état supraconducteur. Réciproquement, H > HC entraîne Gs > Gn, le matériau est alors dans l'état normal. A la limite H = Hc correspond Gs = Gn, la transition d'un état dans l'autre est en cours. L'effet Meissner connu, la thermodynamique fournit donc un modèle global très simple de la transition. Il est utilisé ci-dessous pour déterminer la chaleur latente L de la transition. Soient Tc la température de transition et Hc la valeur correspondante du champ magnétique. Pour calculer L il est nécessaire de considérer un déplacement infinitésimal sur la caractéristique Hc (Tc) pendant la transition (fig. 2.53). Fig. 2.53 Lors de ce déplacement dGs = dGn (2.200) Par (2.194) il vient : - VIs dHc - Ss dTc = - V In dHc - Sn dTc (2.201) Grâce à (2.195) et (2.198) l'expression (2.201) se réduit à : (2.202) Or par définition de L : (2.203) d'où (2.204) (2.205) La discontinuité vaut donc : (2.206) Soit encore par (2.202) : (2.207) A Tc = Tco, correspond Hc = 0 (2.208) A titre d'illustration, la figure (2.54) montre la discontinuité observée dans l'étain. Fig. 2.54 Chaleur spécifique de l'étain au voisinage de Tc, d'après [15]. 2.8.8 Comportement électrodynamique d'un supraconducteur La théorie BCS a démontré que dans un supraconducteur une fraction seulement des électrons de conduction se déplacent sans dissipation d'énergie. L'indice sc marquera les grandeurs relatives à ces électrons, dits supraconducteurs. La fraction complémentaire des électrons de conduction se comporte comme dans un métal normal. Les grandeurs relatives à ces électrons dits normaux seront marquées de l'indice no. Certaines théories phénoménologiques tenaient déjà compte de ce fait, en particulier la théorie de deux fluides de Gorter et Casimir [16] ainsi que la théorie de London qui donne la description classique du comportement électrodynamique des supraconducteurs. Les équations de Maxwell et les expressions qui en découlent ne sont pas en contradiction avec la supraconductivité, mais elles sont insuffisantes pour la décrire. Considérons par exemple la loi d'Ohm J = σ E (2.209) La densité de courant est nécessairement finie, puisque les porteurs de charge sont en nombre fini et que leur vitesse est finie elle aussi. La conductivité est par contre infinie, ce qui implique que E = 0. On ne peut donc rien tirer de (2.209) dont le membre de droite est de la forme 0 - ∞. De même l'expression (2.210) implique, puisque E = 0, la condition suivante: B = constante (2.211) Ce résultat n'est pas en contradiction avec l'effet Meissner, mais il n'implique pas cet effet. Les équations de London complètent les relations de Maxwell pour la description des supraconducteurs. 2.8.9 Equations de London La première équation de London remplace (2.209) pour le calcul de la densité de courant due aux électrons supraconducteurs. On l'établit de la manière suivante. L'équation de la dynamique des électrons (2.15) se réduit, dans le cas des électrons supraconducteurs, à l'expression suivante : (2.212) La densité de courant qui leur est associée est toujours donnée par (2.18) qui prend ici la forme Jsc = - e Nsc νd (2.213) En combinant (2.212) et (2.213) on obtient la première équation de London : (2.214) avec (2.215) La signification physique de A apparaîtra au paragraphe suivant, m est la perméabilité absolue du matériau. Pour éviter toute ambigüité, il faut préciser qu'il s'agit ici de la perméabilité vraie du matériau et non d'une perméabilité fictive, comme celle introduite au paragraphe 2.8.7 pour décrire l'effet Meissner par le diamagnétisme. Les supraconducteurs n'étant pas ferromagnétiques, on a pratiquement =o. La première équation de London montre que le champ électrique ne diffère de zéro que lorsque la densité de courant varie dans le temps. C'est une explication partielle des pertes se produisant dans les supraconducteurs en régime variable. En effet, le champ électrique accélère aussi bien les électrons supraconducteurs que les électrons normaux, or les chocs de ces derniers avec le réseau sont responsables de l'effet Joule. Ces pertes demeurent toutefois faibles par rapport à celles qui apparaissent dans un conducteur ordinaire, car le champ électrique dans un supraconducteur reste très petit, comme le montre l'exemple suivant. Dans l'étain (λ = 50 nm), une densité de courant d'une amplitude de 104 A/m2, à une fréquence de 1 MHz donne, par (2.214), E = 0,2.10-9 V/m. La même densité de courant dans l'étain à l'état normal, à 20 K, correspond à E = 0,11.10-4 V/m. L'existence simultanée d'électrons supraconducteurs et normaux permet de représenter un tronçon supraconducteur au moyen du schéma équivalent de la figure 2.55. Fig. 2.55 La branche supérieure du circuit correspond au trajet des électrons supraconducteurs, la branche inférieure à celui des électrons normaux. La deuxième équation de London lie le champ magnétique à la densité de courant. Elle dérive de la première équation de London par le calcul suivant. En prenant le rotationnel des deux membres de (2.214) on obtient (2.216) En remplaçant dans (2.216) par sa valeur découlant d'une équation de Maxwell il vient (2.217) d'où par intégration en fonction du temps : (2.218) Il suffit, pour inclure l'effet Meissner dans cette expression, de poser que la constante d'intégration Ho est égale à zéro. On obtient ainsi la deuxième équation de London : (2.219) 2.8.10 Profondeur de pénétration du courant en régime permanent Les courants de Foucault invoqués pour expliquer l'effet Meissner circulent dans une couche d'épaisseur faible, mais nécessairement finie, sous la surface du supraconducteur. Il en est de même du courant qu'imposerait un générateur extérieur. Le champ magnétique n'est donc pas totalement exclu du supraconducteur, et il existe une certaine similitude entre la pénétration d'un champ continu dans un supraconducteur et la pénétration d'un champ alternatif dans un conducteur ordinaire. Considérons un supraconducteur de dimensions infinies, limité par le plan xy et soumis à un champ magnétique H constant parallèle à y (fig. 2.56). Fig. 2.56 Fig. 2.57 La variation de H en fonction de z est donnée par la deuxième équation de London. Prenons le rotationnel de (2.219) (2.220) (2.221) D'autre part, en régime permanent E= 0 (2.214), donc J=Jsc et par conséquent (2.222) Dans le cas de la figure 2.56, l'équation (2.220) devient donc : (2.223) La solution générale de (2.223) est de la forme Jsc = Jo exp (- z / λ) + Jl exp (z / λ) (2.224) où Jo et J1 sont des constantes d'intégration. Il est évident que Jsc ne peut tendre vers l'infini, même si la plaque est infiniment épaisse, par conséquent (2.224) se réduit à Jsc = Jo exp (- z / λ) (2.225) La grandeur λ (fig. 2.57) représente donc la profondeur de pénétration du courant continu dans un supraconducteur. De l'ordre de 50 nm à T ~ 0K dans la plupart des métaux purs, λ ne dépend pratiquement pas de H. La profondeur de pénétration varie par contre en fonction de la température, principalement au voisinage de la température critique (fig. 2.58). Une loi du type : (2.226) peut être admise. Fig. 2.58 2.8.11 Profondeur de pénétration du champ magnétique en régime sinusodal On utilisera, dans ce paragraphe et le suivant, les vecteurs-phaseurs (sect. 111.5.2) des grandeurs utiles. La pulsation est désignée comme d'habitude par w, la permittivité du matériau par e et sa conductivité par σ. En régime variable, le courant présente trois composantes. Les deux premières sont dues respectivement aux électrons supraconducteurs et normaux, la dernière étant le courant de déplacement. La deuxième équation de Maxwell prend donc la forme: (2.227) Le rotationnel de (2.227) permettra d'utiliser la deuxième équation de London. Ce rotationnel s'écrit : (2.228) Dans cette expression (2.229) et (2.230) En exprimant Jsc au moyen de la deuxième équation de London, et en tenant compte du fait que (2.231) L'équation (2.228) s'écrit finalement sous la forme suivante :
(2.232)
Dans le cas du supraconducteur représenté à la figure 2.56 et pour une onde plane se propageant selon une direction perpendiculaire à y, (2.232) devient (2.233) Cette équation admet une solution du type H = Ho exp (α x) exp (γ z) (2.234) En introduisant cette expression dans (2.233) il vient (2.235) Un cas intéressant est celui où le plan xy sert à guider l'onde. On doit avoir dans ce cas : α2 << γ2. En négligeant le courant de déplacement, (2.234) se réduit à : (2.236) On vérifie facilement que pour ω = 0, (2.236) est en accord avec (2.225) et que Jo =Ho / λ (2.237) 2.8.12 Impédance de surface d'un supraconducteur Un exemple d'utilisation des développements précédents est le calcul de l'impédance de surface_Zs d'un supraconducteur. Considérons encore le cas d'un supraconducteur de dimensions infinies, limité par le plan xy (fig. 2.59). Fig. 2.59 L'impédance de surface d'une tranche de longueur L parcourue par un courant I vaut, par unité de longueur selon x :
(2.238) C'est un paramètre important dans l'étude des propriétés des lignes en microrubans (vol. XIII). Pour évaluer (2.238) il suffit d'exprimer le numérateur et le dénominateur en fonction de H. Par le théorème d'Ampère, sur le circuit ABCDA il vient :
d'où, par (2.236)
Ho L = I (2.240)
Les intégrales sur les tronçons BC et DA sont nulles car H est perpendiculaire au déplacement. Par (2.227), en négligeant toujours le courant de déplacement et l'atténuation de H selon x devant l'atténuation de selon z, on obtient : (2.241) En remplaçant dans cette expression Jno et Jsc par leurs valeurs données respectivement par la loi d'Ohm et la première équation de London il vient : (2.242) Le premier terme de cette équation se calcule grâce à (2.236), on obtient : (2.243) D'où (2.244) La profondeur de pénétration d d'un courant normal est donnée (sect. II1.6.1.2) par : (2.245) En introduisant d dans (2.244) on met cette équation sous une forme plus symétrique, (2.246) dans laquelle le rôle des deux profondeurs de pénétration δ et λ apparaît clairement. La profondeur δ varie en fonction de la fréquence, alors que l ne dépend pratiquement que de la température. A fréquence modérée, sauf au voisinage de la température critique, λ << δ et (2.246) se réduit à : (2.247) _ZS est alors une inductance pure, il n'y a donc pas de dissipation d'énergie à la surface du supraconducteur. En haute fréquence, ou près de la température critique, λ devient largement supérieur à δ de sorte que (2.246) peut s'écrire (2.248) 2.8.13 Théorie BCS La théorie BCS a démontré l'existence simultanée d'électrons normaux et d'électrons supraconducteurs, et fourni une description quantique du comportement de ces derniers. Présentée pour la première fois dans deux articles devenus célèbres [17] cette théorie a été reprise dans plusieurs ouvrages, par exemple [18]. On se bornera ici à présenter les acquis les plus importants de cette théorie. Le paramètre qui différencie les électrons normaux des électrons supraconducteurs est évidemment l'énergie. Au-dessous de Tco, apparaît une bande d'énergies interdites, de largeur ΔW centrée sur l'énergie de Fermi (fig. 2.60). Fig. 2.60 Occupation des niveaux Les électrons supraconducteurs occupent les états pour lesquels W < WF - ΔW/2, les électrons normaux les états où W < WF + ΔW/2. Bien que l'apparition de la bande interdite modifie la forme de N(W), le nombre d'états situés en dessous de WF ne varie pas, de sorte qu'à 0 K, tous les électrons peuvent être supraconducteurs. A température finie, une fraction des électrons sont excités et passent à l'état normal en franchissant la bande interdite. La largeur de cette bande varie continûment en fonction de la température. Elle est nulle à la température critique et augmente quand la température s'abaisse au-dessous de Tco (fig. 2.61). Elle atteint αkBTco à zéro degré Kelvin. Selon la théorie, α = 3,52. Les valeurs expérimentales sont proches de ce nombre, comme en témoigne le tableau 2.62. L'apparition de la bande interdite et l'abaissement d'énergie qui l'accompagne, pour une fraction des électrons, correspond à un type particulier d'interaction électron-phonon. Avec les réserves d'usage, on peut le décrire de la manière suivante. Fig. 2.61 Largeur normée de la bande interdite en fonction de la température. Résultats expérimentaux pour In, Sn, Pb, comparés à la théorie BCS, d'après (19] Tableau 2.62
A T < Tc, les mouvements vibratoires du réseau sont suffisamment faibles pour que la déformation de ce dernier, provoquée par un choc d'un électron e1, puisse être perçue par un deuxième électron e2, relativement éloigné de eI. Le couplage ainsi réalisé entre e1 et e2 abaisse l'énergie de ces deux électrons qui deviennent de ce fait liés l'un à l'autre. Ils forment ce que l'on appelle une paire de Cooper. Les électrons de la paire ont des spins opposés. Leurs quantités de mouvements sont égales et opposées, valant respectivement On appelle longueur de cohérence ξ la distance sur laquelle s'exerce la force attractive liant les deux électrons de la paire. La valeur de ξ est étonnamment grande, de l'ordre de 10-8 à 10-7m, ce qui correspond à une centaine de distances interatomiques environ. Le rôle du réseau dans la formation des paires de Cooper est confirmé par le fait que, pour un élément donné, la température critique est fonction du poids atomique A, c'est-à-dire de la composition isotopique de l'échantillon : Tc ~ A-a (2.249) A est voisin de 0.5 pour les éléments autres que les éléments de transition. 2.8.14 Densité de courant critique Dans un conducteur normal, tout électron est susceptible d'être transféré par un choc dans un niveau d'énergie inférieur vacant. Il cède ainsi une part de son énergie au réseau. En présence d'un courant, ce processus est responsable des pertes par effet Joule. La résistance d'un supraconducteur est nulle parce que les paires de Cooper se déplacent dans le réseau sans lui céder d'énergie. En effet, la vitesse d'un électron supraconducteur ne peut varier sous l'effet d'un choc sans que la paire de Cooper ne soit détruite car cette paire est, par essence, formée de deux électrons dont les quantités de mouvement sont égales et opposées, à vd près. Or, l'énergie nécessaire pour rompre la paire n'est pas disponible tant que la vitesse de dérive vd reste inférieure à une vitesse critique v, Calculons vc à 0 K pour le cas d'un ruban d'épaisseur nettement inférieure à la profondeur de pénétration X, de façon à ce que le courant puisse être considéré comme réparti uniformément dans toute l'épaisseur. Soit xy le plan du ruban, vx et vy les composantes de la vitesse des électrons selon les axes. En l'absence de courant, les points représentatifs de tous les électrons, dans le plan v, vy sont à l'intérieur d'une circonférence dont le rayon vF correspond à la vitesse des électrons à l'énergie de Fermi (fig. 2.63), ou plus précisément à l'énergie WF - ΔW /2 ~ WF (ΔW est environ 1 000 fois plus petit que WF). Fig. 2.63 Fig. 2.64 En présence d'une densité de courant J orientée selon x, la circonférence est translatée d'une quantité vd selon l'axe x (fig. 2.64). L'énergie maximum que peut recevoir le réseau sous l'impact d'un électron normal correspond, dans la figure 2.64, au transfert d'un électron du point A au point B. Au cours de ce choc, la variation d'énergie dWn de l'électron vaut δWn = 1/2 mn (vF - vd)2 - 1/2 mn (vF + vd)2 = -2 mn vF vd (2.250) Supposons maintenant que l'électron correspondant au point A soit un électron supraconducteur. Il forme alors une paire de Cooper avec l'électron correspondant au point B. La variation d'énergie dWs de l'électron supraconducteur correspondant à un transfert δWs = ΔW - 2 mn vF vd (2.251) puisque la paire de Cooper serait détruite. Or dWs ne peut être que négatif puisque l'électron considéré possède la vitesse maximum. En choisissant le point B comme représentatif de l'électron après choc, on a déjà obtenu le minimum de dWs. Pour que dWs < 0 il faut donc, dans tous les cas : vd >> ΔW/ 2 mn vF vd = vc (2.252) En conclusion, tant que la vitesse de dérive des paires de Cooper reste inférieure à une vitesse limite vc, le déplacement des paires de Cooper s'effectue sans transfert d'énergie au réseau. Cette situation correspond à l'état supraconducteur. Dès que vd excède vc, les paires de Cooper sont détruites, et la transition de l'état supraconducteur à l'état normal se produit. Au-dessus de la température critique, DW est égal à zéro, et par conséquent vc = 0. Ceci est en accord avec le fait que les conducteurs normaux présentent une résistance ohmique, même pour les courants les plus petits. Connaissant le nombre volumique des électrons supraconducteurs ns, on peut déduire de (2.252) une densité de courant critique Jc, à T= 0 K : Jc = nsc e vc = nsc e ΔW / 2 mn vF (2.253) Dès que la densité de courant dépasse Jc la transition de l'état supraconducteur à l'état normal se produit. 2.8.15 Relation entre champ, courant et température critiques On peut conclure du paragraphe précédent que le champ magnétique critique n'est rien d'autre que le champ qui provoque des courants de Foucault dont la densité dépasse Jc, Pour un matériau donné, le champ critique varie selon la forme de l'échantillon et son orientation par rapport au champ, car l'intensité des courants de Foucault dépend de ces deux paramètres. En présence d'un courant de transport (c'est-à-dire un courant dû à un générateur extérieur), c'est la somme des densités de courant de Foucault et de transport qui est déterminante pour le déclenchement de la transition vers l'état normal. Un supraconducteur de forme donnée (par exemple un fil rectiligne) soumis à un champ d'orientation donné peut donc être décrit, en ce qui concerne la transition, par un diagramme du type représenté à la figure 2.65 qui est une généralisation de la figure 2.50. Fig. 2.65 Les points situés entre S et les plans de coordonnées correspondent à l'état supraconducteur. 2.8.16 Variation spatiale de l'enthalpie libre En régime permanent, la zone de transition séparant une région normale d'une région supraconductrice est immobile. L'enthalpie libre G est par conséquent la même de chaque côté de cette zone. En effet, si G était différent, la région à G plus faible aurait tendance à grandir au détriment de la région à G plus élevée, créant ainsi un mouvement de la zone de transition. Soit Go l'enthalpie libre hors de cette zone. A l'intérieur de la zone de transition, l'enthalpie libre est susceptible d'être supérieure, ou au contraire inférieure à Go. La température étant uniforme, deux termes de G seulement varient à l'intérieur de la zone de transition. Ce sont
Dans la région normale le champ magnétique pénètre librement, la polarisation magnétique est nulle et avec elle Wmag. L'énergie moyenne des électrons est maximum, puisqu'il n'y a pas de paires de Cooper. Lorsqu'on pénètre dans la zone de transition, en se dirigeant de la région normale vers la région supraconductrice, l'énergie magnétique croit car la polarisation magnétique augmente graduellement jusqu'à valoir - o H, annulant ainsi l'induction B. Cette variation de Wmag se produit essentiellement sur la profondeur de pénétration l. Parallèlement, l'énergie moyenne des électrons diminue, à mesure que le nombre d'électrons appariés augmente. Cette variation se produit essentiellement sur la longueur de cohérence x. On observe deux situations différentes, selon que le rapport K = l/x, appelé facteur de Ginsburg-Landau [20] est grand ou petit. Sur la figure 2.66, la profondeur de Fig. 2.66 Fig. 2.67 pénétration λ du champ magnétique est inférieure à la longueur de cohérence ξ. Il en résulte une augmentation de l'enthalpie libre dans la zone de transition. Sur la figure 2.67 au contraire, λ > ξ, et l'enthalpie libre diminue dans la zone de transition. Dans ce cas, le matériau aura tendance à évoluer vers un état de moindre énergie par multiplication des zones de transition. Il se trouvera par conséquent divisé finement en régions normales et supraconductrices (fig. 2.68). Les régions normales, dans lesquelles l'induction magnétique est différente de zéro ont la forme de filaments. On les appelle fluxodes ou encore vortex car elles sont entourées de courants de Foucault tourbillonnaires. Fig. 2.68 Fluxodes et courants de Foucault. En blanc, les zones où B = 0, en noir celles où le champ appliqué pénètre librement. D'après [21]. 2.8.17 Structure des fluxodes La région centrale du fluxode est toujours en phase normale. Le nombre volumique de paires de Cooper est nul sur l'axe du fluxode et augmente avec le rayon comme l'indique la figure 2.69. Le rayon du fluxode est approximativement égal à la longueur de cohérence. Fig. 2.69 Fig. 2.70 Fig. 2.71 Au-delà de ce rayon apparaissent les courants de Foucault tourbillonnaires, dont la densité varie comme l'indique schématiquement la figure 2.70. L'effet de ces courants dus exclusivement au mouvement des paires de Cooper, est d'annuler progressivement B, dont la profondeur de pénétration sera ainsi limitée à λ (fig. 2.71). On peut montrer [21] que le flux associé à chaque vortex est le même. Ce quantum de flux Fq vaut Φq = h/2e = 2,07 10-15 Wb (2.254) 2.8.18 Etat intermédiaire Une analyse détaillée des énergies Wmag et Wn mises enjeu dans les fluxodes permet de calculer le champ minimum Hc1 nécessaire à leur apparition. Lorsque H croît au-delà de Hc1 le nombre de fluxodes augmente. Pour H = Hc2 les fluxodes occupent tout le volume du matériau et le retour à l'état normal se produit. On reconnaît ici le comportement des supraconducteurs de type 2 ( 2.8.6). En valeur moyenne sur l'espace, la polarisation magnétique dans les supraconducteurs de type 1 et 2, en fonction du champ appliqué, a l'allure représentée à la figure 2.72. La théorie de Ginsburg-Landau prévoit que les valeurs du rapport λ / ξ sont inférieures à 1/pour le type 1, supérieures à 1/ pour le type 2. Différents procédés permettent de mettre en évidence les régions normales et supraconductrices d'un échantillon dans l'état intermédiaire. La figure 2.73 montre la surface d'un morceau d'indium observé au microscope (grossissement 30 X) par une technique magnéto-optique [22]. Les régions supraconductrices apparaissent en foncé, les régions normales en clair. Le champ magnétique est perpendiculaire au plan de l'image. Les régions normales de forme approximativement circulaire contiennent chacune entre 2000 et 5000 vortex. Fig. 2.72 Fig. 2.73 2.8.19 Forces agissant sur les fluxodes Diverses forces peuvent agir sur les fluxodes. Certaines d'entre elles mettent en mouvement les fluxodes, d'autres au contraire ont pour effet de les assujettir en certains points du cristal. On parle dans ce cas de forces d'épinglage. Trois situations typiques sont décrites ci-dessous. Deux fluxodes voisins, c'est-à-dire séparés par une distance allant jusqu'à quelques l, sont toujours approximativement parallèles, car la variation du champ magnétique sur une telle distance est nécessairement faible. Le long de leur ligne de "contact", ces fluxodes présentent des courants de Foucault circulant en sens inverse les uns par rapport aux autres. Il en résulte que deux fluxodes voisins se repoussent. Un fluxode passant par un défaut cristallin tend à rester épinglé par celui-ci, car la présence du défaut abaisse l'énergie du fluxode. Pour que ce phénomène soit sensible, la taille du défaut doit être de l'ordre de grandeur du diamètre du fluxode, soit environ x. Entrent donc en considération les précipités, les joints de grains, les amas de dislocation, à l'exclusion des défauts ponctuels ou des dislocations isolées. Un fluxode subit une force de Lorentz si un courant de transport circule dans son voisinage. A titre d'illustration, considérons un ruban supraconducteur soumis à un champ H selon z et parcouru par un courant de transport selon y (fig. 2.74). Dans ce ruban, chaque fluxode est soumis à une force agissant selon x. Fig. 2.74 2.8.20 Mouvement des fluxodes et dissipation d'énergie Les fluxodes se déplacent principalement sous l'action de la force de Lorentz. Les mouvements ont lieu lors d'une variation du courant de transport, du champ magnétique appliqué, ou de ces deux grandeurs à la fois. En régime permanent, les fluxodes trouvent une position d'équilibre (à température constante), résultant de leurs interactions mutuelles et de leurs interactions avec les défauts du cristal. Le contrôle de ces mouvements est de la plus haute importance, car ils s'accompagnent d'une dissipation d'énergie, que l'on peut expliquer phénoménologiquement par l'existence d'une force de viscosité gênant le déplacement des fluxodes. Il est donc souhaitable de doter les supraconducteurs utilisés en régime variable des points d'épinglage les plus efficaces possibles. Les traitements permettant d'obtenir de tels points (précipitation, écrouissage, etc.) rendent le matériau dur et fragile. C'est la raison pour laquelle on appelle supraconducteurs durs, les supraconducteurs de type 2 dont la structure bloque les fluxodes. Pour la même raison, on appelle matériaux magnétiques durs ceux dont la structure bloque les parois de Bloch ( 3.8.6). 2.8.21 Stabilisation d'un supraconducteur Le mouvement des fluxodes ne pouvant être totalement supprimé, des mesures doivent être prises pour évacuer efficacement l'énergie dissipée par ces mouvements. En effet, cette énergie apparaît dans le matériau sous forme de chaleur. Si cette chaleur n'est pas extraite assez rapidement, la température du matériau pourra atteindre Tc. Non contrôlé, le retour du supraconducteur à l'état normal pourra avoir des conséquences très graves, dues à l'apparition brutale de pertes par effet Joule très importantes. On appelle stabilisation d'un supraconducteur, l'ensemble des mesures destinées à éviter un tel retour accidentel à l'état normal. Le principe de la stabilisation consiste à placer le supraconducteur, sous la forme de filaments, dans une masse de métal pur appelée matrice. La matrice est presque toujours en cuivre. Deux exemples de supraconducteurs stabilisés sont présentés aux figures 2.75 et 2.76. Ainsi réalisée la stabilisation permet, sans conséquences fâcheuses, le retour momentané à l'état normal de petites portions de quelques filaments. La stabilisation agit principalement de deux manières. Premièrement, la présence de la matrice et la division du supraconducteur en fins filaments améliorent considérablement le transfert de chaleur entre le supraconducteur et le fluide de refroidissement. En effet, le tableau 2.77 montre que la conductibilité thermique du supraconducteur est très faible par rapport à celle de la matrice. Fig. 2.75 Fil supraconducteur constitué de 480 filaments de NbTi d'un diamètre de 22 m chacun, noyés dans une matrice de cuivre d'un diamètre de 1 mm [23]. Fig. 2.76 Exemple de réalisation d'un câble supraconducteur formé d'éléments filamentaires assemblés par étamage. Courant critique : 2 070 A à 4,2 K et sous 5 T. Dimensions 1,9 X 3,8 mm [23]. Tableau 2.77 Deuxièmement, la matrice diminue l'énergie dissipée par effet Joule au voisinage du volume supraconducteur momentanément à l'état normal, en offrant au courant un chemin dévié à faible résistance ohmique. Le tableau 2.77 montre encore que la résistivité d'un alliage supraconducteur, à l'état normal, est beaucoup plus élevée que celle du cuivre. L'effet de la stabilisation est représenté schématiquement à la figure 2.78. L'étude du diamètre optimum des filaments et de leur meilleure répartition dans la matrice peut se faire selon différents critères de stabilité, passés en revue dans [24]. Fig. 2.78 Flux de chaleur et circulation du courant au voisinage d'un filament supraconducteur dont une portion est à l'état normal. 2.8.22 Supraconductivité et table de Mendéléev La théorie de BCS ne permet pas de prévoir la température critique d'un supraconducteur, ni même quels éléments ou matériaux sont supraconducteurs. En ce domaine, l'expérience est la voie d'investigation principale. Les faits suivants ont été observés [25]. Aucun métal alcalin ne s'est révélé supraconducteur, même à des températures inférieures à 0,1 K. Il en est de même des métaux nobles comme l'or, l'argent et le cuivre. Les métaux ferromagnétiques ne sont pas supraconducteurs. D'autre part, ils sont susceptibles d'abaisser très fortement la température critique de supraconducteurs dans lesquels ils se trouveraient, en tant qu'impuretés, à de très faibles concentrations. L'effet des impuretés non magnétiques est beaucoup moins marqué. Les composés présentant les plus hautes températures critiques comportent un élément de transition, le vanadium ou le niobium, et possèdent à température ordinaire la structure cristalline du tungstène a (fig. 2.79), correspondant à une formule chimique du type A3 B. 2.8.23 Effet Josephson On appelle jonction Josephson un ensemble de deux supraconducteurs séparés l'un de l'autre par une mince couche d'isolant, d'épaisseur d de l'ordre de 1 à 3 nm (fig. 2.80) Fig. 2.79 Structure du tungstène b. Les atomes B forment un réseau cubique centré. Les atomes A sont dans les faces du cube. Fig. 2.80 Jonction Josephson. Une telle jonction est souvent réalisée de la façon suivante : sur un substrat isolant tel que le verre, une première couche de supraconducteur est déposée par évaporation. En laissant s'oxyder superficiellement ce premier dépôt, l'on obtient la couche isolante sur laquelle un second dépôt de supraconducteur est effectué. Au-dessus de la température critique un faible courant circule dans la jonction par l'effet tunnel ordinaire, et l'on observe une caractéristique courant-tension approximativement linéaire. La jonction se comporte comme une résistance. Au-dessous de Tc, le comportement de la jonction change complètement. La longueur de cohérence étant plus grande que l'épaisseur de l'isolant, l'interaction formant les paires de Cooper se produit à travers celui-ci. Il en résulte qu'un courant continu, inférieur à une valeur limite Ic, peut traverser la jonction sans qu'une différence de potentiel n'apparaisse entre les faces de l'isolant. Ce phénomène constitue l'effet Josephson continu. Lorsque le courant dépasse Ic, une différence de potentiel U apparaît brusquement aux bornes de la jonction (fig. 2.81). Josephson [26] a montré que cette tension est liée au courant Ic circulant dans la jonction par les expressions : (2.255) et (2.256) où j représente la différence de phase entre les fonctions d'onde de part et d'autre de la jonction. Ce comportement de la jonction est connu sous le nom d'effet Josephson alternatif. De (2.255) et (2.256) l'on tire : (2.257) ce qui montre que si la jonction est polarisée par une tension continue, le courant est purement sinusodal :
(2.258) avec (2.259) Fig. 2.81 1. Effet Josephson continu. 2. Effet Josephson alternatif. 2.8.24 Applications de la supraconductivité Le frein principal au développement des applications de la supraconductivité est la température très basse à laquelle elle se manifeste. L'usage de l'hélium liquide (point d'ébullition à 4,2 K) comme fluide refroidisseur, avec les isolations thermiques perfectionnées que cela implique est donc absolument indispensable. Les recherches en vue d'obtenir des composés à température critique plus élevée semblent, momentanément ou définitivement, se heurter à une limite située aux alentours de 21 K. Les propriétés uniques des supraconducteurs ont motivé leur emploi, malgré ce handicap, dans de nombreuses applications. La plus ancienne est l'obtention de champs magnétiques très élevés, dans des volumes parfois considérables. La grande chambre à bulles du CERN par exemple est dotée d'une bobine supraconductrice (Nb Ti) de 4,7 m de diamètre, produisant un champ de 3,5 Tesla. Il est courant de fabriquer aujourd'hui des bobines de plus petites dimensions dont le champ atteint 20 T et davantage. Des prototypes de moteurs et générateurs à courant continu, de haute puissance, sont à l'étude dans plusieurs pays. La machine homopolaire dont seul le stator est supraconducteur, le rotor fonctionnant à température ambiante semble être une solution intéressante. Des câbles supraconducteurs seraient compétitifs avec les câbles conventionnels actuels, pour des puissances à transporter supérieures à quelques gigawatt, mais les problèmes liés à la réalisation d'une enceinte cryogénique de plusieurs kilomètres ne sont pas simples à résoudre. Toutes les applications de la supraconductivité ne concernent pas les hautes puissances. La jonction Josephson en particulier permet la construction de dispositifs aux propriétés uniques. Citons par exemple :
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