|
Sommerfeld2.4 MODÈLE DE SOMMERFELD ou DE L'ÉLECTRON LIBRE DANS UN PUITS DE POTENTIEL 2.4.1 Introduction Le défaut principal du modèle Boules de billard (ou modèle de Drude) est de considérer l'électron comme une particule classique. Un ensemble de telles particules n'est pas soumis au principe d'exclusion de Pauli. Autrement dit, à température nulle, ils peuvent tous posséder une énergie nulle. Il en résulte, entre autres, que tous les électrons de conduction sont susceptibles d'accroître leur énergie, sous l'effet d'une augmentation de température par exemple. La variation théorique de la résistivité en fonction de la température, établie sur cette base, est erronée ( 2.3.4). Les estimations de chaleur spécifique ne sont pas meilleures, alors que les processus d'émission thermoélectronique, photoélectrique ou de champ échappent totalement à un tel modèle. Ces difficultés s'effacent en grande partie avec le modèle de l'électron libre dans un puits de potentiel, imaginé par Sommerfeld en 1928. Dans ce modèle les électrons, soumis au principe de Pauli, suivent la distribution en énergie de Fermi-Dirac (sect. 7.4), alors que dans le modèle de Drude ils suivaient la loi de Boltzmann. Il en découle deux résultats importants : Malgré les améliorations qu'il apporte, le modèle de Sommerfeld ne donne pas une description satisfaisante des propriétés électroniques des solides dans tous les cas. Ses limitations proviennent du fait qu'il ne tient pas compte de la structure des matériaux. Ce modèle ne permettra donc jamais d'expliquer pourquoi tel cristal est conducteur, et tel autre isolant ou semiconducteur. Son usage doit être limité au cas des métaux. En effet, la valence métallique met les électrons dans une situation très proche de celle qui est admise dans les hypothèses du modèle.
2.4.2 Hypothèses Les hypothèses du modèle sont :
La première hypothèse repose sur l'observation élémentaire suivante : les électrons se déplaçant dans un métal ne franchissent pas, à température ambiante tout au moins, les surfaces limitant l'échantillon. La deuxième hypothèse paraît assez brutale. C'est elle qui bannit du modèle la notion de structure de la matière. Elle sera remplacée dans le modèle des bandes d'énergie (sect. 2.6) par un potentiel périodique rendant compte de l'influence des noyaux chargés positivement. Cette hypothèse traduit le fait que les électrons sont considérés comme libres dans le puits de potentiel. La barrière de potentiel possède une largeur finie, c'est-à-dire que le passage du potentiel régnant à l'intérieur de la matière au potentiel régnant à l'extérieur se fait sur quelques distances interatomiques. Mais les dimensions de l'échantillon étant en pratique toujours très grandes vis à vis d'une distance interatomique, on peut considérer la barrière de potentiel comme infiniment abrupte, ce qui simplifie les calculs. Les équations rendant compte du comportement des électrons dans le modèle du puits de potentiel sont déduites en trois étapes:
2.4.3 Niveaux d'énergie possibles W La deuxième hypothèse exclut l'interaction électron-électron. Il suffit donc d'étudier les comportements possibles d'un seul électron. Afin de simplifier l'écriture, cet électron est placé dans un échantillon unidimensionnel de largeur L représenté théoriquement par le puits de potentiel de la figure 2.6. Un potentiel étant toujours défini à une constante additive près, on pose égal à zéro le potentiel au fond du puits. A l'intérieur du puits, l'équation de Schrödinger prend la forme : (2.45) Fig.2.6 La solution générale de cette équation s'écrit : (x) =
A sin kx + B cos kx (2.46) (2.47) A et B étant des constantes d'intégration. La hauteur Vo de la barrière, suffisamment importante pour confiner les électrons dans le puits à température ordinaire, peut être supposée infinie. Les conditions de couplage de à l'intérieur et à l'extérieur du puits s'expriment alors de façon particulièrement simple. La probabilité de trouver l'électron hors du puits étant identiquement nulle, il vient : (x = 0) = 0 (2.48) et (x = L) = 0 (2.49) En imposant les conditions (2.48) et (2.49) à la fonction (2.46), on obtient d'une part: B =0 (2.50) et d'autre part, après avoir écarté la solution inintéressante A = 0, sin kL = 0
(2.51) Cette équation aux valeurs propres ne possède de solutions que si kL = n x p
(2.52) où le nombre quantique nx peut prendre les valeurs : nx = 1, 2, 3, (2.53) La valeur nx = 0 est à exclure car elle conduit à la solution = 0 signifiant l'absence d'électrons dans le puits. Il découle de (2.52), (2.53) et (2.47) que l'électron ne peut avoir que les énergies discrètes données par (2.54) L'expression correspondant à (2.54) pour l'espace à 3 dimensions s'obtient aisément, l'équation de Schrödinger étant à variables séparées. Pour un cube d'arrête L il vient : (2.55) nx,ny,nz étant trois nombres quantiques. Chacun de ces nombres définit à lui seul quantité de mouvement de l'électron selon l'axe correspondant. Ces trois nombres peuvent prendre toute valeur entière positive. 2.4.4 Etablissement de la fonction densité des états Z (W) La fonction densité des états Z (W) est une fonction continue telle que Z(W) dW représente le nombre d'états quantiques possibles entre les énergies W et W+ dW, pour les électrons libres contenus dans un volume unité de matière. On remarquera qu'en toute rigueur la fonction Z(W) est de nature discontinue, puisqu'elle dénombre des états discrets. Pratiquement, cette fonction peut toujours être considérée comme continue. L'effet du spin de l'électron, négligé jusqu'ici, peut être introduit de façon simple dans l'établissement de Z(W). Il suffit de se rappeler que le principe de Pauli permet que tout état quantique défini par ( nx, ny , nz ) soit occupé par deux électrons de spins opposés. Le nombre d'états obtenus sur la base de (2.55) doit donc être multiplié par un facteur 2. L'équation (2.55) appelle deux remarques. Tous les triplets (nx , ny,nz ) donnant une même valeur de n, où n2 = n2x + n2y + n2z (2.56) correspondent à une même énergie. L'énergie d'un électron est toujours un multiple d'une énergie unité Wu. (2.57) Pour un cube de 1 cm d'arête, Wu = 3,76 10-15 eV. Les niveaux d'énergie les plus bas sont donc distants d'environ 10-15 eV. L'énergie maximum des électrons dans un métal est de l'ordre de grandeur de quelques eV. Pour une valeur typique de 3 eV, n2 = 7,98 .1014 et si nx= ny = nz, nx = 1,63 107. A 3 eV, deux niveaux voisins sont séparés par un intervalle d'énergie : = 1,23 10-7 eV (2.58) Dans tout le domaine des énergies intéressantes, les niveaux sont donc
extrêmement proches les uns des autres, ce qui justifie le remplacement de (2.55)
par la fonction densité des états Z(W), fonction continue d'un maniement
beaucoup plus pratique. Finalement, l'évaluation de Z(W) repose sur les observations suivantes:
Le nombre d'états correspondant à des énergies comprises entre W et W + dW est donc égal au volume dW compris entre deux sphères de rayon n et n+dn, aux corrections suivantes près
Par conséquent, (2.59) Les équations (2.55) et (2.56) donnent (2.60) En portant (2.60) dans (2.59) on obtient pour la fonction densité des états l'expression (2.61) 2.4.5 Distribution en énergie des électrons F(W) La fonction densité des états Z (W) ne fournit que le nombre d'états susceptibles d'être occupés par des électrons, dans un intervalle d'énergie donné. Pour déterminer le nombre effectif d'électrons dans cet intervalle, il faut encore connaître la probabilité que ces états soient effectivement occupés. La probabilité d'occupation d'un état d'énergie W est donnée par la distribution de Fermi-Dirac F(W), étudiée à la section 7.4. En effet, les électrons dans le puits de potentiel constituent un ensemble de particules de nature quantique (soumises au principe de Pauli), en équilibre thermodynamique et sans interactions mutuelles au sens du paragraphe 7.2.1. Soit N(W) la distribution en énergie des électrons, définie de façon à ce que N(W)dW représente le nombre d'électrons par unité de volume possédant une énergie comprise entre W et W + dW. Ce nombre d'électrons est égal au produit du nombre d'états disponibles dans dW par la probabilité que ces états soient occupés : N(W)dW = Z(W)F(W)dW (2.62) Compte tenu de (2.61) et (7.43) cette équation s'exprime de la manière suivante (2.63) où (2.64) La représentation graphique des trois fonctions intervenant dans (2.62) est donnée à la figure 2.7. Fig.2.7 : Densité d'états Z(W), distribution Fermi-Dirac F(W) et densité énergétique N(W) 2.4.6 Variation de l'énergie de Fermi WF avec la température La variation de l'énergie de Fermi en fonction de la température est très faible. Le calcul ci-dessous va le montrer. Soit un puits de potentiel contenant un effectif total de Nn électrons. L'énergie de Fermi correspondant à cet effectif, à la température T, est donnée par l'expression (2.65) Cette intégrale se calcule en recourant à la formule de l'intégration par parties et en effectuant un développement de Taylor (limité au terme du 2ème degré) autour de WF. Il vient : (2.66) A zéro (degré) Kelvin, la distribution de Fermi-Dirac prend l'allure d'une fonction escalier ( 7.4.3), de sorte que l'équation (2.65) se réduit à (2.67) où WF0 désigne l'énergie de Fermi à 0 K. On vérifie aisément, en comparant (2.66) et (2.67) que (2.68) Entre 0 K et 293 K, la variation de WF, donnée par (2.68) ne vaut que 5,8-10 5eV. Cette valeur est très faible, comparée à WF dont l'ordre de grandeur pour un métal est de 3 eV. Dans la suite, WF sera donc considérée comme indépendante de la température. 2.4.7 Nombre d'électrons susceptibles d'être accélérés L'énergie qu'un électron peut recevoir au cours d'un choc ou sous Faction d'un champ extérieur est de l'ordre de kBT. Les seuls électrons susceptibles d'accepter une telle augmentation d'énergie sont ceux pour lesquels la probabilité de trouver un niveau vacant, à une énergie d'environ kB T supérieure à la leur, est suffisante. Ces électrons sont situés au voisinage de WF. On peut admettre en première approximation que leur effectif correspond à la zone hachurée de la figure 2.8. 4kBT La fraction a des électrons susceptibles d'être accélérés vaut donc (2.69) On peut évaluer a en constatant que N(WF) vaut approximativement 0.5 Z(WF). La valeur de l'intégrale figurant au dénominateur est donnée par (2.67).
Il vient : (2.70) Cette fraction est très petite, pour WF - 3 eV et T= 293 K, elle vaut 2,5%. 2.4.8 Energie moyenne des électrons A zéro degré Kelvin, l'énergie moyenne des électrons vaut (2.71) Cette énergie est 50 fois plus élevée pour (WF = 3 eV) que l'énergie moyenne dérivée de la distribution de Boltzmann à 20C ! La divergence entre le modèle classique (Boules de billard) et le modèle quantique est donc, sur ce point, très importante. 2.4.9 Commentaire sur la forme du puits de potentiel Le puits de potentiel considéré jusqu'ici possède une forme idéalisée. Il est infiniment profond et limité par des barrières de potentiel verticales. Dans la réalité, il est évident que le puits de potentiel possède une profondeur finie, et que la transition du potentiel de l'intérieur vers l'extérieur se produit sur une distance non nulle. L'étude, par la mécanique quantique, d'un électron dans un puits de potentiel de profondeur finie, à barrières verticales, ne présente pas de difficultés. La fonction d'onde (2.46) reste valable à l'intérieur du puits, mais elle ne s'annule plus en x
= 0 et x
= L. Elle est couplée, à ces deux abscisses, aux fonctions d'onde valables à
l'extérieur du puits. Ces dernières sont de nature exponentielle. Les niveaux d'énergie découlant de ces nouvelles conditions de couplage ne s'expriment pas de manière aussi simple que dans le cas du puits infiniment profond. Toutefois, la densité des états Z(W) donnée par (2.61), reste une bonne approximation de la densité des états réelle. Elle sera donc conservée pour la suite. La distance sur laquelle le potentiel varie, à la surface du métal, est généralement beaucoup plus petite que l'épaisseur de l'échantillon. La forme de la barrière de potentiel, également, n'a donc pas d'incidence sur la densité des états. Cette forme influence par contre l'émission des électrons, principalement lorsqu'un champ électrique est appliqué à la surface de l'échantillon (effet Schottky, 2.5.6). On trouve la forme de la barrière de potentiel en étudiant la force agissant sur un électron quittant une plaque métallique infinie. En émettant l'électron, la plaque initialement neutre acquiert une charge e. Tant que l'électron est à une
distance z de la plaque, grande par rapport à une distance interatomique, il peut être considéré comme soumis à l'action d'un plan portant une charge superficielle. L'action de ce plan est identique à celle d'une charge e située sur l'image de l'électron dans le plan (fig 2.9). L'électron subit donc une force (2.72) Cette force donne à l'électron une énergie potentielle W(z) valant : (2.73) Dans les problèmes où intervient la hauteur (finie) de la barrière ainsi que sa forme, il est judicieux de poser égal à zéro le potentiel d'un électron infiniment éloigné. Cette convention, admise dans (2.73) sera conservée dans la section 2.5. En réalité, W(z) ne diverge pas en z = 0, comme le prévoit (2.73). Cette équation cesse d'être valable au voisinage immédiat de la plaque, région dans laquelle l'électron ne "voit" plus un plan chargé mais un réseau d'ions. En ne tenant compte que des quatre ions les plus proches de l'électron (fig. 2.10), on obtient pour l'énergie potentielle l'approximation suivante. (2.74) Fig.2.9 Fig. 2.10 Fig. 2.11 Quand z2 >> a2/2, (2.74) tend vers (2.73) à un facteur 4 près qui provient du fait que l'on a seulement pris en considération les 4 ions les plus proches de l'électron. Cette simplification conduit à surestimer la charge moyenne attribuée à chacun de ces ions. L'allure de la solution exacte est comparée à (2.73) sur la figure 2.11. 2.5 MÉCANISMES D'ÉMISSION ÉLECTRONIQUE 2.5.1 Introduction Le fonctionnement de plusieurs dispositifs est basé sur l'émission d'électrons à la surface de métaux. On peut citer les tubes TV, les tubes photomultiplicateurs, les microscopes électroniques, etc. A titre d'exemples d'application du modèle de l'électron dans un puits de potentiel, l'émission thermoélectronique, l'émission de champ et l'émission photoélectrique sont étudiées dans les paragraphes qui suivent. 2.5.2 Définition du travail de sortie
Soit un électron, à l'intérieur d'un métal, possédant exactement l'énergie de Fermi WF. On appelle travail de sortie Ws l'énergie nécessaire pour extraire cet électron du métal, et l'éloigner infiniment de celui-ci (fig. 2.12). Fig.2.12 Barrière de potentiel et travail de sortie. 2.5.3 Emission thermoélectronique L'une des phases importantes de la conception de tous les dispositifs utilisant l'émission thermoélectronique est le calcul du courant d'émission atteignable. Sans entrer dans le détail de la conception des cathodes chaudes, qui peut varier fortement d'une application à l'autre, on établira la relation liant la densité du courant d'émission à la température, connue sous le nom d'équation de Dushmann. Soit une plaque dont l'étendue est infinie selon x et y.
Pour qu'un électron puisse s'échapper de cette plaque, il est nécessaire que sa quantité de mouvement selon z, notée pz soit supérieure à une valeur minimum pzo définie par : (2.75) En écrivant (2.75) on fait implicitement les hypothèses que l'effet tunnel (chap. VII.3), et la réflexion sur la barrière d'électrons dont pz > pz0 sont négligeables, ce qui est raisonnable ici. La densité J du courant d'émission, par généralisation de (2.18) s'écrit : (2.76) Avec (2.77) N(px, py, pz) étant la distribution en quantité de mouvement des électrons. Comme dans le cas où l'énergie est la variable indépendante, N(px, py, pz) est le produit d'une fonction densité des états Z (px, py,pz) par la distribution de Fermi-Dirac. On tire de (2.59), (2.78) La quantité de mouvement selon un axe est liée à la valeur du nombre quantique relatif à cet axe exclusivement. En effet, les solutions de l'équation de Schrödinger selon les trois axes sont indépendantes les unes des autres. Par conséquent (2.55) permet d'écrire : (2.79) avec (2.80) En dérivant (2.80) et en portant le résultat dans (2.78), on obtient : (2.81) d'où (2.82) et (2.83) Le calcul de cette intégrale peut être simplifié considérablement en raison de l'ordre de grandeur de Ws : quelques eV (tab. 2.13). Pour être émis, un électron doit avoir une énergie p2 /2 mn telle que p2z /2 mn~WF> Ws > kB T, cela permet de négliger l'unité devant l'exponentielle, au dénominateur : (2.84) Par (7.8.1) (2.85) En portant cette expression dans (2.76) on obtient : (2.86) Dont l'intégration est immédiate. Compte tenu de (2.75) : (2.87) C'est l'équation de Dushmann. La constante : (2.88) porte le nom de coefficient d'émission thermoélectronique. 2.5.4 Valeur du coefficient d'émission thermoélectronique On constate expérimentalement que le coefficient d'émission thermoélectronique est non seulement plus faible que prévu par (2.88), mais encore qu'il change d'un métal à l'autre (tab. 2.13). Tableau 2.13 Valeurs moyennes de Ao et Ws pour des échantillons polycristallins, d'après [8-10].
Toutefois, la variation des valeurs de Ao et Ws n'enlève pas à (2.87) son intérêt, car la forme de cette équation est bien vérifiée par l'expérience. Les paramètres A et Ws sont très sensibles à la nature et à l'état de la surface émissive. Dans le cas d'un monocristal, le travail de sortie augmente quand la face émissive concide avec un plan cristallin à plus haute densité superficielle d'ions (tab.2.14). L'effet des impuretés superficielles est encore plus considérable, et trouve une application industrielle importante dans la fabrication des cathodes au thorium. Le tungstène, qui sert le plus souvent de métal de base en raison de son haut point de fusion et de sa faible tension de vapeur, est recouvert d'une couche monoatomique de thorium. Comme ce métal possède un travail de sortie inférieur à celui du tungstène, les atomes de thorium cèdent un électron au métal de base et constituent une couche d'ions fortement liés par attraction électrostatique. La charge superficielle positive ainsi crée favorise l'émission d'électrons. Le travail de sortie d'une telle cathode est de l'ordre de 2,6 eV. Des valeurs de Ws plus basses encore, 1 eV environ, sont obtenues en recouvrant le métal de base d'une couche d'oxydes de strontium et de baryum. Les cathodes construites selon ce principe fournissent un courant important vers 1000 K déjà et sont largement utilisées dans les tubes TV par exemple. Leur mécanisme de fonctionnement n'est pas totalement élucidé aujourd'hui. Tableau 2.14 Travail de sortie du tungstène monocristallin (CC) en fonction de l'orientation du plan émissif, d'après [10].
2.5.5 Commentaires L'application d'un champ électrique sur la cathode est, en pratique, toujours nécessaire pour éloigner les électrons émis qui, sans cela, formeraient une charge d'espace entravant l'émission. La présence de la température et du travail de sortie dans l'exponentielle de (2.87) révèle la grande sensibilité du courant d'émission à ces deux grandeurs. A 1900 K par exemple, l'abaissement de Ws de 4,52 eV à 2,6 eV, obtenu par une couche de thorium sur du tungstène, a pour conséquence de multiplier / par un facteur 105. Parallèlement, l'abaissement de la température d'une cathode au thorium de 1900 K à 1710 K (-10%) suffit à diminuer J dans le rapport de 3,7 à 1. En écrivant (2.87) sous la forme : (2.89) on remarque que Ws et A0 sont déterminés facilement en portant les points expérimentaux (J et T) dans un diagramme log J/T2 en fonction de 1/T. La pente de la droite donne Ws et son intersection avec l'axe y, ln Ao. 2.5.6 Effet Schottky L'application d'un champ électrique E perpendiculaire à une surface émissive provoque un abaissement de la barrière de potentiel appelé effet Schottky. Considérons le cas plan décrit à la figure 2.15. Dès qu'un électron quitte la plaque il subit l'action du champ électrique qui se manifeste par une force - eE tendant à l'éloigner de la plaque. Son énergie potentielle W est donc la somme de deux termes, l'un résultant de E (courbe b), l'autre de la barrière de potentiel (courbe a). Dans la région où (2.73) s'applique : (2.90) Cette fonction représentée par la courbe c de la figure 2.15 présente un maximum en (2.91)
Fig. 2.15 (a) Barrière en l'absence de E; (b) énergie potentielle résultant de E; (c) barrière en présence de E. En ce point, l'énergie potentielle de l'électron vaut : (2.92) Le travail de sortie est donc réduit d'une quantité Delta Ws et l'équation de Dushmann (2.87) prend la forme : (2.93) En prenant le logarithme des deux membres de (2.93), il vient : (2.94) A température constante, ln J est théoriquement une fonction linéaire de \/E. En pratique, on observe une dépendance du type représenté à la figure 2.16. Fig. 2.16 La droite passant par les points relevés pour les valeurs supérieures de E porte le nom de droite de Schottky. Ce sont les paramètres de cette droite qu'il convient d'utiliser pour calculer Ao et Ws. Pour les petites valeurs de E, la densité de courant mesurée s'écarte de la droite de Schottky. L'apparition d'une charge d'espace au voisinage de la surface émissive est responsable de ce phénomène.
2.5.7 Emission de champ En augmentant le champ électrique appliqué à la surface d'un conducteur jusqu'à des valeurs de l'ordre de 10 9 à 1010 V/m, on accentue la déformation de la barrière de potentiel, esquissée à la figure 2.15. La courbe a varie beaucoup plus rapidement que la courbe b au voisinage de la surface. Il s'ensuit que pour les grandes valeurs de E, c'est principalement l'épaisseur de la barrière qui varie, plutôt que sa hauteur (fig. 2.17). Fig. 2.17 Déformation de la barrière de potentiel par des champs élevés. Dès que la barrière devient suffisamment mince, les électrons disposent d'un nouveau chemin pour quitter le métal : au lieu de passer par-dessus la barrière, ils peuvent la traverser directement, par effet tunnel. Ce dernier processus constitue l'émission de champ, qui peut conduire à des densités de courant relativement élevées. En effet, tous les électrons sont susceptibles de quitter le métal par effet tunnel (avec des chances variables il est vrai), alors que dans l'émission thermoélectronique seuls les électrons occupant des états situés au voisinage et au-delà de l'énergie de Fermi ont cette possibilité. Une approximation de la loi régissant l'émission de champ peut être obtenue de la façon suivante. Soit P la probabilité pour un électron d'énergie cinétique W, de franchir la barrière définie par la figure 2.18. Dans le cas W < Wo correspondant à l'effet tunnel, on a, [1] : (2.95) Fig. 2.18 Au moment où E devient assez élevé pour que (2.95) diffère pratiquement de zéro, l'unité présente au dénominateur peut encore être négligée et le sinh2 représenté par une exponentielle : (2.96) La part la plus importante du courant d'émission de champ provient d'électrons possédant des énergies voisines de l'énergie de Fermi, car N(W) présente un maximum à cet endroit. Aux énergies supérieures, P serait plus élevé mais N(W) décroît très rapidement. Aux énergies inférieures, P etN(W) diminuent. Il est donc raisonnable de prendre pour L, la largeur de la barrière à WF. En se reportant à la figure 2.17, on détermine facilement : L = Ws/eE (2.97) d'où par (2.96) on déduit que la loi recherchée est du type : (2.98) Une analyse plus détaillée, comparable par certains aspects à celle du paragraphe 2.5.3, confirme ce résultat. 2.5.8 Emission photoélectrique Un photon pénétrant dans un conducteur ou un semiconducteur peut céder de l'énergie à un électron de conduction. Si l'énergie ainsi acquise par l'électron, et la direction dans laquelle il se déplace, lui permettent de franchir la barrière de potentiel, il sera émis. Ce processus constitue l'effet photoélectrique et l'électron émis porte le nom de photoélectron. L'énergie maximum Wmax d'un photolélectron est donnée par l'équation d'Einstein : Wmax = h ν - Ws (2.99) où ν est la fréquence du photon, hν représentant son énergie. L'énergie Wmax est atteinte quand c'est un électron au niveau de Fermi qui est excité, mais tous les électrons possédant une énergie W > WF + Ws - hv peuvent être émis, à la limite avec une énergie nulle (fig. 2.19). Fig. 2.19 L'équation d'Einstein montre encore que Wmax, fonction linéaire de la fréquence de la lumière, ne dépend pas de l'intensité de cette dernière. Par contre, seule une lumière de fréquence v >> vlim avec (2.100) est susceptible de produire l'effet photoélectrique. La mesure de vlim est une façon de déterminer Ws. Le rendement photoélectrique ph, mesuré par le nombre d'électrons émis par photon incident, varie fortement d'un matériau à l'autre. Il est limité dans les métaux, pour deux raisons. Premièrement, les métaux sont brillants, ils réfléchissent donc une part importante de la lumière, ainsi perdue pour rémission photoélectrique. Deuxièmement, l'épaisseur de la couche utile est limitée à quelques dizaines de nm, ordre de grandeur du libre parcours des électrons dans un métal. Par comparaison, la profondeur de pénétration des photons est 100 à 1 000 fois plus grande. Le comportement des métaux alcalins est typique à cet égard (fig. 2.20). Leur ph présente un maximum pour une certaine fréquence vmax. En dessous de vmax le rendement baisse par augmentation du coefficient de réflexion, en-dessus de vmax il baisse par accroissement de la profondeur de pénétration des photons. Fig. 2.20 D'après [8]. Les plus grandes valeurs de ph sont obtenues au moyen de cathodes formées d'un substrat recouvert de plusieurs couches (oxydes, métaux alcalins, alliages) diminuant le coefficient de réflexion et le travail de sortie. L'exploitation de l'effet photoélectrique dans les jonctions de semiconducteurs est à l'origine d'une gamme de composants très importants : photodiodes, phototransistors, etc. (chap. VII.9)
|